L’exploitation des données d’activité et des statistiques de la délinquance facilite les prises de décision des unités de Gendarmerie, sur le terrain. Les modèles prédictifs, permettant d’anticiper les zones criminogènes, sont en amélioration constante.
« Dans la Gendarmerie, le système centralisé de rédaction des procédures est une mine de données considérable, les informations recueillies par les unités sur le terrain étant très détaillées. C’est sur cette base que les équipes en charge de l’exploitation de données ont reconstruit le calcul des statistiques de la délinquance, une volonté du ministre de produire des chiffres indiscutables pour ne donner place à aucune polémique. Lancé mi-2013, ce projet a aussi été l’occasion de rénover la plate-forme analytique de la police et de la gendarmerie, sur la base de la technologie SAP BusinessObjects BI Platform 4.
Cette plate-forme, qui embarque aujourd’hui 90 000 utilisateurs, permet aussi d’amener de vrais outils d’aide à la décision sur le terrain. En croisant les statistiques de la délinquance d’un secteur, avec les données RH et celles relatives à l’activité d’une unité, on fournit aux opérationnels des éléments concrets pour prendre des décisions au quotidien. Ces données sont présentées sur des cartes, pour les rendre plus facilement exploitables. Avec des effets très concrets : auparavant, les accidents de la circulation étaient répertoriés sur une carte papier dans un couloir, chaque événement étant matérialisé par une punaise. Aujourd’hui, une carte numérique est automatiquement fournie aux unités, avec des données très précises : un accident matériel se transformant en accident mortel va se traduire par une mise à jour de la carte. Les unités sur le terrain militent maintenant pour porter ces cartes en mobilité, en lien avec les projets Neogend et Neo, qui visent à équiper les gendarmes et policiers de terminaux mobiles.
Tester les modèles prédictifs
Si des états prêts à l’emploi sont ainsi fournis aux unités opérationnelles, ceux-ci peuvent être enrichis par des utilisateurs experts, tant côté police que gendarmerie, afin de créer de nouveaux rapprochements. Y-a-t-il par exemple une corrélation entre le nombre de motocyclistes sur le terrain et le taux d’élucidation des affaires ?
L’étape d’après consistera à passer du constat et de l’analyse, à des modèles prédictifs. Même si, en matière de délinquance, il faut rester très prudent sur les conclusions qui sortent de ces modèles ! Avec l’appui des data scientists d’Etalab, nous avons ainsi bâti une analyse prédictive sur les vols d’automobile, application actuellement en test dans l’Oise. Sur la base des mailles Iris, nous fournissons une cartographie à J+1. Aujourd’hui, le modèle est assez juste. Ce modèle se révèle utile pour les unités appelées en renfort sur une zone donnée. Mais on veut mesurer le réel intérêt de ce type d’outils pour les unités opérationnelles avant de prendre une décision de généralisation, d’autant que ce type de projets nécessite une conduite du changement et l’adhésion des personnels.
Maintenance préventive pour les véhicules
En parallèle des résultats de cette expérimentation, le petit datalab de 4 personnes du STSI2 (service technologique et service d’information de la sécurité intérieure) travaille sur d’autres scénarios d’exploitation des données. Par exemple, en objectivant un sentiment des équipes sur des départs anticipés à la retraite d’une catégorie de personnels. Au final, sur une population de 4500 personnes, seules 70 étaient réellement concernées.
Les perspectives sont également intéressantes en matière de maintenance préventive. Sur le parc de véhicules de la gendarmerie et de la police, toutes les données – kilométrage, âge des véhicules, raisons de la panne, etc. – sont saisies dans un système d’information commun. C’est ce patrimoine que nous voulons exploiter pour identifier les modèles frappés par une obsolescence prématurée, détecter les pannes récurrentes ou encore réduire les durées d’indisponibilité des véhicules, via une mise à disposition des pièces de rechange dans le bon timing. Le scénario est identique pour le parc d’hélicoptères, avec un modèle économique encore plus évident, vu le coût horaire d’indisponibilité du matériel.
Au-delà de ces scénarios, une des priorités de notre datalab consiste aussi à préparer l’avenir, un avenir où nous devrons manipuler des quantités sans cesse grandissantes de données. Ce sera le cas avec les véhicules connectés ; l’exploitation de la géolocalisation permettra d’enrichir les cartes mises à disposition des unités en rapprochant les points de passage récurrents des statistiques de délinquance, par exemple. Les 60 000 smartphones et tablettes de Neogend généreront, eux aussi, d’importants volumes de données.
L’activité des gendarmes en temps réel
Pour ces raisons, mais aussi pour regagner en souplesse sur les applications existantes – certains traitements analytiques nocturnes demandant aujourd’hui 5 heures environ ! -, la sécurité intérieure a décidé de migrer sur la plate-forme In-Memory SAP HANA. Car un des rôles d’une DSI est d’anticiper les besoins des métiers, et de les aider, in fine, à s’approprier les possibilités offertes par la technologie. En la matière, l’arrivée de SAP HANA ouvre de nouvelles perspectives très concrètes. L’activité des gendarmes, sur le terrain, crée aujourd’hui des fichiers de 80 millions de lignes, ce qui se traduit par des calculs de 25 minutes avec une base Oracle. Le passage à SAP HANA va ramener cette durée à une demi-seconde ! Ce qui signifie que nous pourrons, demain, exploiter des données que nous nous interdisons aujourd’hui de mettre à profit, faute de réactivité suffisante des applications actuelles. »
Par Bertrand Vincent, adjoint au DSI au sein de la Gendarmerie nationale