>

Hanz Jörg Stotz : Pourquoi l’Internet des Objets bouleverse-t-il déjà l’Industrie ?

Lors de la grand-messe de l’Industrie à Hanovre, Hanz Jörg Stotz, SVP IoT Strategie et Innovation chez SAP, explique comment les processus et les business-models vont évoluer via l’adoption incontournable de l’Internet des Objets. Avec la coopération franco-allemande comme facilitateur.

Pourquoi la société SAP investit-elle autant dans l’Internet des objets ?

Il y a deux ans, nous avons décidé d’investir fortement dans l’Internet des objets (IoT). Nous avons donc imaginé un moyen de connecter les objets à notre plate-forme SAP Cloud Platform pour comprendre l’usage réel de chaque objet. Toutefois, il ne s’agit là que le début de l’histoire. C’est le minimum attendu en termes d’Internet des Objets : les opérations les plus basiques, avec assez peu de valeur ajoutée.

Car pour réussir avec l’IoT, il faut repenser totalement les processus métiers. Et plutôt que de connecter les objets à la plate-forme, il convient de les connecter directement au processus métiers. Ce qui signifie qu’il faut changer ou adapter ces mêmes processus et ne pas s’arrêter à la production de dashboards. D’où la nécessité de repenser en profondeur l’activité et la façon de travailler.

Comment cela se traduit-il concrètement sur le terrain ?

L’Internet des Objets consiste à utiliser des capteurs ou des senseurs, et à les connecter à une plate-forme logicielle qui collecte les informations qu’ils envoient. En y ajoutant du Big Data, on donne en plus du sens aux données. La valeur ultime réside bien dans le fait de connecter intelligemment les objets, les personnes et les processus métiers. Autrement formulé, il s’agit de connecter les data issues des technologies opérationnelles aux processus métiers (ce que l’on nomme ‘data driven manufacturing’) pour valoriser ces data et tendre vers de nouvelles expériences clients en développant de nouveaux services numériques à valeur ajoutée.

Par exemple, Kaeser commercialise des compresseurs qui procurent un service. La question qui se pose alors est : pourquoi ne pas vendre le service produit par le compresseur ? Bien entendu cela implique un changement du business-model, vers une activité de type aaS (as a Service). Vendre des équipements ou des ensembles d’équipements est forcément très différent d’une gestion de ces équipements. Il s’agit alors de gérer des données, des métadonnées, des écarts, des seuils… et de corréler l’ensemble avec des informations de type Internet des Objets provenant de ces équipements, etc. D’où ce changement de business-model.

Avec l’Internet des Objets, le fait de connecter des pièces ou des équipements à un réseau crée un écosystème de type Réseau Métier (Business Network). Alors, tous les processus peuvent être considérés comme des réseaux : le réseau produit et conception, le réseau logistique, le réseau maintenance… Et, en corrélant toutes les données, on peut suivre des dynamiques, évaluer ces informations, voire les monétiser.

Votre solution Leonardo est-elle déjà en production chez un client européen ?

Léonardo propose une plate-forme intégrant –entre autres- du Machine Learning pour gérer l’Internet des Objets de bout en bout (mais aussi du blockChain par exemple). L’ensemble est connecté, sécurisé et partagé dans le but d’obtenir une meilleure productivité, et une meilleure qualité.

La société de transport ferroviaire italienne Trenitalia a utilisé Léonardo pour un projet de maintenance prédictive dans la gestion de ses équipements. L’investissement du projet a représenté un coût d’environ 1,2 million d’euros. Suite à ce déploiement, l’entreprise a économisé entre 8 et 10% en un an, soit deux fois le coût total de la solution déployée.

Toutefois, le prix impressionnant (au-delà de la réduction des coûts de maintenance) reste la modification stratégique du business modèl. En effet, en termes d’expérience le voyageur exige que son train soit à l’heure, que son siège soit assuré, et que la ponctualité soit respectée. Il ne s’agit plus uniquement de faire rouler les trains d’un point à l’autre. Or, pour favoriser cette stratégie, l’optimisation de la disponibilité des équipements permet d’augmenter la valeur de l’actif. Ce qui pose la question : suis-je en train de vendre des actifs ? Suis-je en train de les louer ?

Qu’est-ce qui fait réellement la valeur d’entreprise ? Les actifs (et un peu le cash-flow), soit des frais d’investissement (Capex), et pas des frais de fonctionnement (Opex).

En fait, ce qui apporte réellement de la valeur tient dans la gestion de ses actifs. C’est pourquoi la valeur est de plus en plus immatérielle. Elle est donc plus en plus liée à la propriété intellectuelle, aux compétences, au savoir-faire… Il faut désormais penser prioritairement logiciel, gestion, opérationnel, maintenance…

Sur ces sujets, quel est l’intérêt de la coopération franco-allemande pour l’Industrie du Futur ?

Comment coopérer sur un langage commun afin que les objets connectés puissent comprendre et être compris des machines, quel que soit leur fonction (température, humidité, bruit, etc.) ? Il s’agit de mettre en place un cercle vertueux avec des entreprises dynamiques sur le secteur coopérant pour faciliter la coopération franco-allemande, référente dans l’industrie mondiale.

Pour aller vers l’Industrie du Futur, les premières conversations ont justement porté sur les règles et les réglementations nationales, avec un souhait mutuel de les aligner afin de favoriser la coopération et l’interopérabilité.

D’ailleurs, la coopération a vocation à s’étendre. Déjà les responsables Industrie du Futur allemands et français (gouvernements, industriels et entreprises du numérique) ont déjà bien avancé sur les discussions avec l’Italie et ont initié des prises de contact avec d’autres pays européens, asiatiques ou américains…