Les leaders du marché sont ceux qui ont appris à contrebalancer les forces et les faiblesses que présentent respectivement les start-ups et les grands groupes.
Certaines entreprises de grande envergure, craignant de perdre du terrain dans la course technologique, investissent dans la R&D en interne pour tenir la cadence. D’autres misent sur l’acquisition de start-ups à l’avenir prometteur. Mais ne faudrait-il pas plutôt collaborer avec les start-ups pour porter un nouveau regard sur vos activités ?
Dans de récentes études, Dell Technologies et la société de recherche Vanson Bourne ont interviewé 4 000 responsables de moyennes et grandes entreprises opérant dans 12 secteurs d’activité et 16 pays. Les résultats révèlent que les entreprises de grande envergure, en général, ne comprennent pas les tenants et les aboutissants d’une collaboration avec des start-ups. 78 % des responsables voient les start-ups comme une menace et 45 % des responsables redoutent de perdre leur part du marché face aux start-ups dans les 3 à 5 prochaines années.
Les multinationales sont souvent perçues comme des géants trop lents et incapables de faire preuve d’innovation. À l’opposé, les start-ups se qualifient par leur fraîcheur, leur renouveau, leur vitalité et leur capacité à faire bouger les lignes. Les grands groupes, cependant, disposent souvent d’une structure plus stable et plus fiable. Ils assument la responsabilité d’un large portefeuille de clients, donnent du travail à des milliers d’employés et créent de la valeur dans de nombreux pays. Les start-ups, victimes de leur popularité et des bénéfices qu’elles engendrent, finissent souvent par se révéler instables et surestimées.
Les deux entités ont tendance à se regarder en chiens de faïence, peut-être parce qu’elles ne partagent pas le même jargon, la même vision et les mêmes valeurs. Mais je crois sincèrement que ce clivage entre start-ups et grands groupes n’a pas lieu d’être. L’un ne peut survivre sans l’autre, et une start-up qui ne rêve pas de devenir un grand groupe n’ira pas bien loin.
Une collaboration nécessaire sur le marché
Dans le monde d’aujourd’hui, il est impossible de s’imposer comme seul leader technologique, car dès lors qu’une entreprise crée une innovation et examine la meilleure manière de la monétiser, une autre est probablement déjà en train de reproduire cette innovation par ses propres moyens. Par conséquent, les conditions du marché actuel sont favorables aux entreprises qui collaborent. Et dans cette démarche, les start-ups et les grands groupes sont destinés à devenir partenaires. Face à toutes les pressions du marché dans lequel vous opérez, il est quasiment impensable de vouloir continuer à jouer solo. Il est important d’être non seulement le leader sur le plan technologique, mais aussi sur le plan de l’innovation, ce qui n’est pas la même chose.
La clé des affaires réside dans la communication, la collaboration et les modèles de gestion. SAP collabore avec les entreprises et les communautés dans le développement de ses solutions. D’une part, tous les produits sont créés en coopération avec nos clients. D’autre part, nous travaillons avec des universités et des scientifiques. Ensuite, nous maintenons un contact constant avec les partenaires spécialisés dans l’implémentation technologique et collaborons avec différentes communautés professionnelles. Enfin, nous travaillons avec des développeurs externes, y compris des start-ups.
Citons par exemple Sapphire Ventures, un fonds de capital-risque créé par SAP, mais fonctionnant de manière indépendante. Sapphire Ventures, principalement axé sur la Silicon Valley et l’Europe occidentale, investit dans les start-ups arrivées au stade ultime de leur développement (10 millions de dollars ou plus de bénéfices). En outre, SAP détient un fonds d’investissements au stade initial, SAP.io, qui vient de débuter ses opérations. Il est également situé dans la Silicon Valley et orienté vers les start-ups locales. L’entreprise collabore principalement dans les sphères logicielles et informatiques, proposant une plateforme technologique et des conseils.
Innovation conjointe
Le capital d’une entreprise se mesure aux connaissances et aux compétences de ses employés. Un grand groupe peut prêter main forte à une start-up qui manque de connaissances et de compétences ou de financements pour la construction d’infrastructures. Nous recherchons des start-ups que nous serons en mesure d’aider au travers de notre expertise et de nos technologies pour qu’elles puissent créer des solutions innovantes.
SAP étant le fabricant de logiciels brevetés, nous tenons à faire la distinction entre droits de propriété intellectuelle et investissements, qu’il s’agisse des nôtres ou de ceux de nos partenaires. Nous avons créé une plateforme qui est notre propriété intellectuelle. Si une start-up développant des logiciels souhaite réaliser son produit sur notre plateforme, nous lui accordons l’accès à notre infrastructure et l’aidons en lui apportant formation et conseils. SAP, en retour, bénéficie d’une quote-part des recettes générées par la vente du produit.
Par exemple, BigPoint, un fabricant allemand de jeux informatiques, a créé son propre logiciel d’analyse du comportement des joueurs en se basant sur la plateforme SAP HANA. Un algorithme analyse les actions des joueurs, sans collecter leurs données personnelles pour protéger la confidentialité de ces données. L’algorithme calcule sous quelles conditions un joueur serait prêt à acheter un élément du jeu pour pouvoir passer plus facilement au niveau suivant. Ainsi, le joueur se voit proposer l’arme ou la protection dont il a besoin au moment le plus opportun. C’est le principe du pilotage en temps réel. Un même système mène à différentes transactions. De nos jours, des centaines de solutions ont été créées sur la plateforme SAP HANA et pourtant, nombreuses sont celles qui ne sont pas identifiables comme des solutions reposant sur la plateforme de SAP. Elles peuvent se focaliser sur les jeux, le sport, la santé, les analyses et bien d’autres sujets encore.
Dans un autre exemple, cette fois-ci sur le marché russe, nous avons créé une solution pour les entreprises du secteur pétrolier et gazier en coopération avec la start-up « ASUproject ». Cette start-up nous a contactés et nous a exposé son programme de développement pour sa solution. Puis, SAP Co-Innovation Lab de SAP Labs CEI a accordé à son équipe l’accès à notre plateforme via nos serveurs. La solution a réussi le contrôle qualité, conformément aux critères de productivité, sécurité et fonctionnalité notamment, et est devenue le premier produit russe inclus dans la liste de prix de SAP. Dans ce contexte, nous avons eu l’opportunité de présenter nos technologies à des clients aux quatre coins du monde et la start-up a eu l’occasion de réaliser son plan.
Aujourd’hui, nous sommes engagés dans des collaborations prometteuses avec des start-ups, dans les domaines de l’IdO, de la sécurité et de la logistique. Par exemple, nous avons lancé une collaboration avec le projet pétersbourgeois VeeRoute, qui développe des solutions pour la logistique. Cette entreprise, lorsqu’elle nous a contactés, savait quoi faire pour gagner de l’argent, mais avait besoin d’aide dans la dimension technologique. Désormais, nous sommes déjà en train d’intégrer la solution VeeRoute dans notre système de gestion des transports. Il est primordial pour les start-ups qui viennent frapper à la porte d’un grand groupe de bien comprendre quels avantages elles tireront des technologies détenues par le groupe en question.
À la fin, les gagnantes sont les entreprises qui apprennent à tirer profit de cette collaboration. La plupart des leaders du marché sont ceux qui ont appris à contrebalancer les forces et les faiblesses que présentent respectivement les start-ups et les grands groupes.
Les grands groupes affichent généralement une solide stabilité et assument de grandes responsabilités envers leurs clients. Ils sont également en mesure d’investir dans la R&D et de développer des projets nécessitant des ressources considérables. S’adapter aux nouveaux paradigmes technologiques représente une tâche difficile, que les communautés scientifiques et professionnelles doivent toutes deux accomplir sur le long terme. À l’opposé, les start-ups sont mobiles et flexibles, à même d’adhérer plus rapidement aux nouveautés pour créer des solutions innovantes. Les synergies entre les deux entités sont donc évidentes, avec un résultat avantageux à la clé pour les deux entités.
Andrej Bievetski, directeur général de SAP Labs CEI | @ABievetski.
Cet article est initialement paru sur Forbes Russie.