Les nouvelles technologies et l’Usine du Futur, les micro-usines, la place de l’humain… Yann Vincent, explique sa vision sur diverses évolutions de l’Industrie du Futur.
En tant qu’industriel, comment percevez-vous l’impact de l’Internet des Objets (IoT) dans un projet d’Usine du Futur ?
Avec l’Internet des Objets, l’industriel a la possibilité d’obtenir plus d’informations qualifiées afin d’optimiser le fonctionnement des machines et les processus. Cela représente pour nous une forte opportunité d’augmenter à la fois la productivité, la qualité, et les performances économiques de nos usines.
Par exemple, on commence à voir apparaître des vêtements connectés (vêtements intelligents) comme des T-shirts ou des baskets. Certes, on peut considérer ces innovations comme des gadgets. Toutefois, cela représente aussi un moyen d’acquérir en temps réel des informations sur les postures, pour les optimiser et les corriger. Grâce à ces informations, il devient alors possible d’optimiser le geste de l’opérateur et le processus industriel, afin d’obtenir à la fois des conditions de travail plus agréables pour l’opérateur et une meilleure performance.
Les puissances de calcul disponibles permettent d’accélérer les traitements de volumes de beaucoup de données toujours plus importantes, afin de leur donner du sens. Avant, nous nous contentions de stocker des données dans une « armoire », et de l’ouvrir en cas de problème. Aujourd’hui, nous pouvons accéder à de très grands volumes de données et les analyser en temps réel. Par exemple, grâce à ces évolutions, nous améliorons sensiblement les simulations, comme le calcul de crash.
Lorsque j’ai commencé ma carrière, ces processus étaient plutôt primaires. Aujourd’hui, nous créons des modèles sophistiqués et très proches de la voiture réelle, avec des résultats beaucoup plus pertinents.
En quoi ces nouvelles technologies contribuent-elles à la dynamique de nouveaux écosystèmes ?
Les évolutions informatiques (Big Data, Cloud, etc.) offrent la possibilité de relier différentes installations entre elles via une plate-forme d’agrégation, comme le pratiquent déjà certains industriels.
Cela permet aux machines de parler entre elles, ce qui ouvre d’autres opportunités dans l’optique de l’usine connectée. Il devient également possible de mettre en place une relation directe entre le client final et l’usine, de même qu’entre l’usine et ses fournisseurs afin de mieux intégrer tout l’écosystème.
Quelle place reste-t-il pour l’homme dans l’Usine du Futur du Groupe PSA ?
Cela revient souvent à se demander si l’arrivée de l’Intelligence Artificielle ou des cobots tue réellement l’emploi. Nous vivons des changements technologiques qui, dans leur principe, équivalent à ce que nous avons vécu dans les siècles précédents avec les autres révolutions industrielles. Qui, à chaque fois, ont d’ailleurs soulevé ce type de questions.
Bien entendu, ces évolutions modifient le rôle de l’homme et sa façon de travailler. Généralement, tout ce qui alimente le progrès permet de supprimer les opérations sans forte valeur ajoutée pour les confier à la machine, tout en augmentant les compétences des hommes pour des tâches ‘augmentées’. Toutefois, nous n’en sommes pas du tout au stade où la machine aurait dépassé l’homme, loin de là. L’humain doit absolument apporter son savoir à la machine.
Ainsi, pour les tâches de maintenance, la machine peut aider à détecter ou à prévoir les incidents. Cependant, pour réaliser les opérations et tirer des enseignements, l’homme reste indispensable, car ces tâches nécessitent des compétences de haut niveau, avec une interprétation humaine.
Dans le Groupe PSA, comment le Directeur industriel peut-il contribuer à améliorer l’expérience client ? Comment appréhendez-vous l’interface Commerce/Production ?
L’expérience utilisateur représente plusieurs dimensions dans lesquelles l’industriel n’intervient que de façon indirecte.
En premier lieu, la qualité du produit fait bien partie de ses responsabilités. Et un patron d’usine doit s’assurer que la fabrication est bien conforme aux exigences. Il doit aussi s’efforcer d’améliorer ce processus en fonction des demandes ou des plaintes des clients.
En outre, les délais de fabrication et les spécificités de chaque client peuvent amener à se poser la question de la personnalisation des produits.
Par exemple, pour notre gamme DS, nous travaillons à l’impression en 3D de pièces pour un habillage sur mesure par le client. Ainsi, il est possible de personnaliser le pommeau du levier de vitesse, voire l’habillage des portes. Un processus de production de pièces uniques personnalisées à intégrer dans les chaines de montage du véhicule.
Enfin, l’industriel intervient également dans les processus d’après-vente. En effet, il doit trouver les moyens d’assister au mieux le réseau en cas de panne ou de problème sur les voitures. Et là encore, les nouvelles technologies apportent des solutions. Par exemple, les lunettes connectées d’un employé chez le concessionnaire peuvent permettre une assistance en direct avec les bureaux d’études.
Pouvez-vous nous expliquer le concept des “micro-usines” ? En quoi cela peut-il représenter un atout pour une entreprise comme le Groupe PSA ?
Le groupe PSA cherche à renforcer sa présence dans le monde et à se développer sur différents marchés émergeant à travers le monde.
Lorsque le Groupe n’est pas encore présent dans un pays, il se pose la question de l’acceptation de ses véhicules par les consommateurs. Généralement, les autorités de ces pays affichent une volonté politique de développement industriel, générateur d’emplois. Ils sont donc très demandeurs de la fabrication de véhicules. Comment alors aborder prudemment ces marchés ?
Ne disposant pas du financement nécessaire pour concevoir des usines aptes à fabriquer 100 000 unités par an, nous abordons ces marchés avec des micro-usines conçues pour fabriquer une voiture par heure, pour environ 1000 véhicules par an.
Les véhicules sont fabriqués et prêts à assembler ailleurs. Et seules quelques opérations de montage final sont réalisées dans ces micro-usines. Ce sont des usines montables et démontables rapidement, favorisant l’agilité pour un développement maîtrisé et à moindre risque.
Au fur et à mesure, et selon le succès commercial, le Groupe PSA peut remonter dans la chaîne de valeur en ajoutant à ces micro-usines des processus de ferrage, de soudage, etc. Cette micro-usine peut alors se transformer progressivement pour devenir au final une usine complète.
Si nous envisageons une possibilité de croissance dans un pays, et que le foncier rend cela possible, cela nous permet de faire croître l’usine, sans tout casser ni tout reconstruire.
Le minimum de démarrage consiste à envoyer la caisse peinte (où sont déjà assemblés le tableau de bord, les sièges et les portes), la boîte de vitesses, le moteur et les roues. Et la micro-usine assemble ces derniers éléments.
Au stade intermédiaire, l’usine mère prélève la caisse peinte, y associe des pièces de montage et la micro-usine assemble ces pièces. Toujours sans réaliser ni peinture ni ferrage.
Au stade le plus évolué, on envoie un sous-ensemble de tôlerie, et l’on expédie toutes les pièces dans le pays. La “micro-usine évoluée” assemble alors les pièces et réalise la peinture, pour une production d’environ 5000 véhicules par an.
Bien entendu, nous amenons alors les compétences nécessaires en fonction de la montée en charge, et au fur et à mesure que les machines s’ajoutent pour assurer la croissance.
Ce concept de micro usine permet de limiter l’investissement, afin de protéger la performance. Un gros investissement initial ferait l’effet d’un « boulet au pied » du site, qui rencontrerait des difficultés pour devenir rentable. Or, dans le monde industriel, le retour sur investissement reste l’un des objectifs principaux.
Par Yann Vincent, directeur industriel du Groupe PSA.
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