L’industrie 4.0 passe par la numérisation des chaînes de production, pour rendre celles-ci encore plus efficaces et pour permettre la personnalisation des produits. Mais il ne s’agit là que de la première étape d’une transformation plus profonde visant l’intimité clients. Via les produits intelligents.
L’industrie 4.0 est avant tout vue comme un effort de numérisation des chaînes industrielles. En équipant chaque outil, machine et composant de capteurs et de puces, les entreprises peuvent atteindre un nouveau niveau d’efficacité, tout en améliorant la qualité de leurs produits. L’enjeu ? Créer une infrastructure permettant de croiser les données issues des chaînes de production de celles provenant des systèmes back-office. Plusieurs bénéfices directs en découlent :
– Personnalisation de masse. L’entreprise peut se lancer dans la fabrication de produits individualisés tout en conservant le niveau de coût de la production de masse et en rationalisant la chaîne logistique ;
– Maintenance ajustée au plus près des réalités opérationnelles. Les décisions et investissements sont basés sur des données reflétant l’état des actifs sur les lignes de production en temps réel. Ces données peuvent également être utilisées pour prédire les pannes ou ajuster les cadences de production afin de respecter les dates de livraison des clients ;
– Contrôle de qualité en temps réel. En adaptant les paramètres de fabrication ou en déclenchant sans délai une opération de réglage , les entreprises minimisent le taux de produits défectueux ;
– Identification des facteurs d’insatisfaction. La numérisation des chaînes de production permet de relier les causes profondes des plaintes des clients aux processus de fabrication, de maintenance et aux approvisionnements.
Les concepts de l’industrie 4.0 sont déjà mis en pratique par certains industriels. Par exemple, dans son usine « digitale » de York aux US, Harley-Davidson sait construire 1 700 variantes d’une moto et livrer un produit personnalisé toutes les 90 secondes environ. Dans le même temps, l’industriel a baissé ses coûts de 7 % et amélioré ses marges de 19 %.
Intégrer le consommateur dans la chaîne de valeur
Mais, si profonde soit-elle, cette transformation doit être vue comme une première étape, la construction d’un socle permettant à l’entreprise d’utiliser la technologie pour transformer encore plus radicalement son activité. En effet, à mesure que les produits eux-mêmes embarquent de l’intelligence, ils acquièrent une forme de « conscience » de leur état et peuvent envoyer cette information en temps réel aux systèmes de l’entreprise.
Conjuguées à la maturité grandissante de technologies comme le Machine Learning ou l’impression 3D, et à la propension des consommateurs à partager des données vues hier encore comme confidentielles avec des entreprises de confiance – pour peu que les services proposés en retour en vaillent la peine -, cette numérisation permet de remodeler la relation avec le client, en l’intégrant dans la chaîne de valeur.
Connectés et interactifs, les produits peuvent aider les entreprises à rompre le cycle traditionnel, consistant à mettre sur le marché des offres répétant les erreurs du passé. Car les industriels acquièrent alors une connaissance précise de la manière dont les clients utilisent réellement leurs produits. Bien loin des résultats approximatifs des enquêtes de satisfaction.
Exploiter les données d’utilisation
SAP y voit le point d’entrée de ce qu’il appelle le “Live Business”, un modèle au sein duquel les entreprises ont une image fidèle de leurs activités et de leurs clients. Un “Live Business” peut :
– Exploiter les données d’utilisation des produits pour prédire les besoins des clients ;
– Répondre instantanément à ces besoins avec les bons produits ;
– Offrir une expérience omnicanal cohérente ;
– Partager les données d’utilisation avec des partenaires pour offrir plus de valeur aux clients.
Concrètement, il faut envisager le passage à l’industrie 4.0 comme une transformation par étapes visant à intégrer le monde physique et celui du numérique, de la R&D au consommateur en passant par l’écosystème de partenaires.
Passée l’étape où l’entreprise crée des produits embarquant du logiciel pour analyser leurs usages réels et détecter quand ils doivent être réparés ou remplacés, c’est bien l’intimité client qu’il faut viser. Car tel est bien l’objectif ultime de l’industrie 4.0. A ce stade, les industriels utilisent les données des clients pour comprendre non seulement comment ceux-ci utilisent, stockent et conservent les produits, mais aussi pour co-innover avec eux et même pour créer des services à valeur ajoutée autour de produits physiques. Au lieu de fournir des produits industriels de commodité, ils offrent désormais de la personnalisation poussée et des services innovants basés sur la donnée.
Vers l’industrie 5.0
Ce cheminement débouche sur ce qu’on pourrait qualifier « d’industrie 5.0 », un nouveau palier dans la restructuration des processus industriels, du développement à la production en passant par la maintenance. A mesure que de multiples produits intègrent la technologie, se développera en effet la notion de plates-formes de création de valeur, tant pour le consommateur que pour le fabricant de produits.
Ces plates-formes seront constituées d’écosystèmes étroitement intégrés ou de ce qu’on pourrait qualifier de “mashups industriels”, regroupant des entreprises de différentes industries travaillant ensemble pour fournir une offre différenciante aux clients, une offre pensée globalement en fonction des besoins et préférences réels du consommateur.
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