Sans avoir bouleversé le paysage du retail en France, Amazon n’en constitue pas moins une menace très concrète pour les enseignes traditionnelles de l’Hexagone. Mais aussi une source d’inspiration, le e-commerçant s’attachant en permanence à simplifier l’expérience client.
« La question de la menace que fait peser Amazon sur les enseignes françaises revient à intervalles réguliers. On pourrait, en la matière, dire que le danger a été grossi, l’ancrage du e-commerçant sur le marché français n’ayant, à ce jour, pas provoqué le cataclysme annoncé.
Pourtant, à mes yeux, Amazon constitue toujours une menace pour l’activité des enseignes de l’Hexagone. A plusieurs titres même. D’abord, sur des marchés qui stagnent depuis plusieurs années comme c’est le cas dans la distribution, un acteur de la taille du e-commerçant américain est, par nature, un élément venant bouleverser les équilibres. Lors du récent Black Friday, Amazon France a réalisé le meilleur jour de sa jeune histoire en termes de ventes. Ce qui signifie qu’il est compétitif et qu’il capte des parts de marché. Selon les classements, l’Américain est le n°1 ou le n°2 français du e-commerce. Ensuite, Amazon est une marque puissante, citée 3 fois comme l’enseigne préférée des Français au cours des 4 dernières années.
Diminuer les points de friction dans l’expérience client
Bien sûr, la menace que représente Amazon dépend des marchés sur lesquels on se place. Plus un achat concerne une référence précise, plus il est perméable au e-commerce, à condition que celui-ci offre un prix correct et une bonne expérience client. Ainsi, sur le marché du jouet, 20 % des achats en France se font déjà en ligne. Aux Etats-Unis, au moment de la faillite de Toys’R Us, cette part atteignait même le tiers du total.
Enfin, si Amazon représente une menace particulière pour les enseignes physiques, c’est aussi en raison de son habitude qui consiste à arriver sur un marché en diminuant les points de friction dans l’expérience client. Pour la livraison par exemple, le point noir du e-commerce en termes d’expérience client jusqu’alors, l’Américain a créé Amazon Prime, un abonnement offrant notamment des livraisons illimitées mais aussi du streaming. Amazon est devenue, derrière Spotify et Apple Music, la troisième plateforme mondiale de musique. En plus d’une simplification extrême, Amazon supprime ainsi l’apparition des frais de livraison à la fin du processus d’achat et le choix d’un mode de livraison, causes habituelles d’abandon de paniers dans le e-commerce. Et la formule de l’abonnement permet au cyber-marchand d’inclure de nouveaux services pour ses clients les plus fidèles – du streaming de films et séries, du stockage de photos… -, et de donner accès à de nombreux services spécifiques Amazon tel Prime Now ou Pantry, renforçant ainsi le lien avec ces derniers.
Observer Amazon sur son marché n°1
Plutôt que de se poser des questions stériles – faut-il ou non avoir peur d’Amazon ? ; le e-commerçant va-t-il ouvrir des magasins physiques en France ? ; etc. -, les enseignes hexagonales devraient plutôt s’interroger sur la perméabilité de leurs marchés au e-commerce, sur les points de friction dans leur expérience client et sur les solutions qu’elles pourraient imaginer pour les amoindrir. En commençant par exemple par observer les pratiques du e-commerçant en matière de remboursement de produit ou encore d’emballage cadeau. Une simple case à cocher chez Amazon, là où il faut souvent faire la queue et emballer soi-même dans les enseignes traditionnelles. Ce qui peut apparaître comme des points de détail aux enseignes suffit parfois à faire basculer un consommateur vers le e-commerce.
Plutôt que d’épiloguer sur de futurs investissements du cyber-marchand dans une chaîne de magasins en France – les rumeurs courent depuis des années ! – il est également plus utile d’observer ses pratiques aux Etats-Unis, où il dispose déjà de deux enseignes, avec Amazon Books et Whole Foods Market. Dans la chaîne de librairies, c’est la logique très digitale qui frappe, avec des renvois permanents vers les avis de clients ou un classement inspiré de la logique Web (vous avez aimé, vous aimerez aussi…). Au sein de la chaîne de distribution alimentaire de produits biologiques, qu’il a tout récemment rachetée, Amazon commence à trouver des synergies avec son activité principale, ce qui permet de faire baisser les prix dans ces magasins qui souffraient jusqu’à présent d’une image de prix médiocre. Et le e-commerçant est en passe de déployer un programme de fidélité pour Whole Foods, qui n’en disposait pas jusqu’alors, à savoir des réductions réservées aux membre Prime. Un bon moyen de satisfaire lesdits membres, de recruter sur Amazon Prime et, pour les clients de Whole Foods, de leur donner accès à de nouvelles réductions.
Ces pratiques, qu’Amazon développe sur son marché phare, les Etats-Unis, ont toutes les chances d’être élargies aux autres pays où le e-commerçant est présent. Voilà les enseignes hexagonales prévenues. »