La culture japonaise a toujours défendu le respect des personnes âgées. C’est pourquoi, en 1963, le gouvernement a lancé une nouvelle tradition consistant à remettre une coupe à saké en argent appelée sakazuki à chaque citoyen ayant atteint l’âge de 100 ans avant le Keiro no Hi (Journée de respect pour les personnes âgées), une fête nationale célébrée chaque année le troisième lundi de septembre.
L’année de l’inauguration de cette tradition, 153 personnes ont reçu ce présent si l’on en croit le Japan Times. En 2016, le nombre a littéralement explosé pour dépasser le cap des 65 000 heureux bénéficiaires, représentant un coût de plus de 2 millions de dollars à un gouvernement déjà endetté, selon le magazine Business Insider. Sans remettre en question le dévouement du pays pour ses personnes âgées, le gouvernement s’est vu contraint de rogner sur la qualité des coupes et de se contenter d’un simple placage argent pour des questions budgétaires.
Lorsque l’on évoque les suppressions d’emploi liées à l’automatisation ou encore la domination de la génération Y dans le monde du travail, on a tendance à occulter l’impact de l’allongement de l’espérance de vie. Car les travailleurs de demain devront demeurer dans la vie active bien plus longtemps qu’aujourd’hui. Si l’on en croit Lynda Gratton et Andrew Scott, professeurs à la London Business School et auteurs de The 100-Year Life: Living and Working in an Age of Longevity, par exemple, la moitié des personnes nées au Japon aujourd’hui devraient vivre jusqu’à 107 ans. Une espérance de vie face à laquelle les ancêtres font pâle figure.
La fin du modèle de carrière en trois phases
En supposant que les progrès médicaux se poursuivent, les futures générations vivant dans des sociétés plus prospères pourraient envisager des carrières de 65 ans, voire plus, contre seulement 40 années de carrière environ pour les personnes d’aujourd’hui qui partent à la retraite vers 70 ans, soulignent Gratton et Scott. Le modèle d’emploi en trois phases qui domine l’économie mondiale actuelle (scolarité, travail et retraite) est voué à disparaître.
Il sera remplacé par un nouveau modèle axé sur l’acquisition continue de nouvelles compétences au détriment des anciennes. Jugez plutôt : selon le rapport du World Economic Forum intitulé The Future of Jobs (L’avenir des emplois), les postes et spécialités les plus prisés aujourd’hui n’existaient tout simplement pas il y a seulement 10 ans.
Et le rythme du changement est appelé à s’accélérer. Selon ce rapport, 65 % des enfants qui entrent à l’école primaire aujourd’hui finiront par occuper des postes qui n’existent pas actuellement.
Nos systèmes éducatifs actuels sont incapables de s’adapter à un tel degré de changement. Par exemple, toujours selon ce même rapport, environ la moitié des connaissances spécialisées acquises au cours de la première année d’une filière technique de quatre années d’étude, comme les sciences informatiques, deviennent obsolètes au moment où les étudiants décrochent leur diplôme.
Des compétences qui transcendent le marché de l’emploi
Au lieu d’envisager l’enseignement supérieur comme un tremplin vers une carrière professionnelle bien spécifique, nous pourrions assister à l’émergence d’un parcours éducatif plus court, concentré sur l’acquisition de compétences qui transcendent un marché de l’emploi en constante évolution. Aujourd’hui, certaines de ces compétences, notamment la résolution de problèmes complexes et les réflexions critiques, sont principalement enseignées dans le cadre de disciplines plus larges, telles que les mathématiques ou les sciences humaines.
D’autres compétences appelées à être particulièrement valorisées sont actuellement considérées comme des qualités naturelles ou qui s’acquièrent avec la maturité ou l’expérience. Par exemple, il n’existe que peu de formations consacrées au développement de la créativité et de l’innovation, de l’empathie, de l’intelligence émotionnelle, de la sensibilité culturelle, de la persuasion, de l’écoute active et de l’acceptation du changement (et ce n’est pas étonnant que le marché du développement personnel ne cesse de prospérer !)
Le modèle d’emploi en trois phases qui domine l’économie mondiale actuelle (scolarité, travail et retraite) est voué à disparaître
Toutes ces compétences, qui sont aujourd’hui regroupées avec dédain dans la rubrique des « qualités humaines », tendent à se renforcer pour devenir un jour indispensables. Elles vont prendre davantage de poids grâce à l’intelligence artificielle et à l’apprentissage machine qui, en émergeant dans une ère marquée par des informations illimitées, ne feront que reléguer la notion d’expertise au rang de bizarrerie du passé. Et ceci concerne pratiquement toutes les disciplines professionnelles d’aujourd’hui. À mesure que se résorbent nos connaissances de ce qui nous entoure, notre aptitude à la collaboration (aussi bien avec les hommes qu’avec les machines) ébauchera notre réussite future.
Les personnes physiques et morales devront apprendre à gagner en flexibilité et à renoncer aux anciennes idées enracinées sur la manière dont les entreprises et les carrières sont censées fonctionner. Au vu du développement rapide des connaissances et des aptitudes d’accompagnement que l’avenir nous réserve, nous devons être prêts à dire et répéter que tout ce que nous avons appris jusqu’ici n’a plus de raison d’être.
Les carrières se rapprocheront du déroulement de la vie elle-même, pour prendre davantage la forme d’une succession d’expériences fluides et imprévisibles que d’un récit soigneusement écrit. Nous devons anticiper et nous montrer disposés à accepter le changement aussi bien sur le plan individuel qu’organisationnel.
Réinventer la formation des collaborateurs
Pour aider leurs collaborateurs à mieux appréhender ce changement, les organisations peuvent repenser la formation. Les travailleurs actuels, débordés et exténués, ne consacrent que 1 % de leur semaine de travail à l’apprentissage, selon une étude du cabinet de conseil Bersin by Deloitte. Et pourtant, selon un article du magazine Inc., de grands chefs d’entreprise comme Bill Gates ou le fondateur de Nike Phil Knight passent environ cinq heures par semaine à lire, réfléchir et expérimenter.
Pour éviter les coûts élevés associés à la rotation du personnel dans un monde où le besoin de nouvelles compétences évolue constamment, les entreprises doivent impérativement accorder à leurs employés davantage de temps pour l’apprentissage et organiser des formations en adéquation avec les besoins futurs des entreprises et des individus, sans se cantonner à leurs besoins actuels.
Le volume de formation nécessaire varie en fonction des postes. C’est pourquoi SAP propose des profils de formation adaptés à des rôles spécifiques de l’entreprise et déterminer le nombre d’heures nécessaires pour chacun. Nous divisons également les heures de formation en thèmes distincts :
- Droit : 10 %. formation légale, par exemple contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.
- Entreprise : 20 %. formation aux politiques et systèmes internes.
- Affaires : 30 %. acquisition des compétences requises pour le poste actuellement occupé dans une division fonctionnelle précise.
- Avenir : 40 %. formation interne et externe orientée vers les employés et visant à réduire les pénuries de compétences critiques pour les emplois de demain.
À l’avenir, nous devrons constamment apprendre, nous cultiver, lire, rechercher des connaissances et des vérités, et parfaire de nouvelles compétences. Avec l’aide de nos employeurs et d’éducateurs, notre traditionnelle peur du changement laissera place à un véritable enthousiasme en faveur du changement.
Nous devons être capables de nous dire : « Je suis ravi d’apprendre quelque chose de nouveau, quelque chose que je n’aurais jamais pensé faire ou qui m’aurait semblé impossible à réaliser auparavant »
Ce blog a été initialement publié le 11/09/2017 sur The Digitalist