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La traçabilité a aussi une valeur marketing

Les récents scandales de sécurité alimentaire montrent les limites de la traçabilité actuelle. L’exemple de la pharmacie pourrait aider la filière à se réorganiser. Et à imaginer de nouvelles applications, permettant de tirer un bénéfice marketing des informations de traçabilité.

 « L’enjeu majeur de la traçabilité alimentaire consiste à identifier tous les éléments impactés par un éventuel incident. Et ce, sur l’ensemble de la chaîne, schématiquement du champ à l’assiette. Ce qui signifie, à la fois, être en mesure de remonter à la source de cet incident et d’en identifier les impacts, soit les lots ou produits suspects présents dans les entrepôts ou en rayons, voire déjà chez les consommateurs. Par exemple, si des morceaux de verre sont retrouvés dans des yaourts, il s’agira d’identifier à quelle étape cette contamination s’est produite et d’isoler le lot concerné pour lancer la procédure de rappel des produits potentiellement dangereux.

La complexité de ce processus réside dans les ruptures qui existent aujourd’hui au sein de la chaîne.  En interne, jusqu’à la sortie de leurs entrepôts, les industriels savent plutôt bien tracer les composants et leur association au sein des produits. Mais, ensuite, ces produits rejoignent des centrales de distribution, puis des réseaux de distribution qui vont les mettre à disposition des consommateurs. Chacune des organisations concernées effectue, certes, un suivi des mouvements au sein de ses murs. Mais les échanges entre deux maillons de la chaîne reposent encore largement sur des papiers, des échanges de fichiers, voire des coups de téléphone ! Ce qui occasionne des ruptures dans la chaîne de traçabilité, des délais, voire des incompréhensions comme l’actualité récente a pu nous le montrer.

 

Centraliser les données de traçabilité

Pour faciliter la gouvernance des données de traçabilité, l’agro-alimentaire pourrait s’inspirer d’autres modèles d’organisation, comme celui que met en place l’industrie pharmaceutique. Celle-ci a développé une plate-forme métier mondiale, un système centralisé où sont tracés tous les événements sur l’ensemble de la chaîne logistique : de l’entrée dans l’entrepôt, à la distribution et jusqu’à l’éclatement des palettes. Via ce suivi, l’histoire de chaque produit peut être retracée. Cette plate-forme, qui viendra s’interfacer aux systèmes d’information des différents acteurs, va accélèrer les opérations en cas d’incident. Demain, lors de la survenue de ce type d’événements, les procédures de blocage et de rappel des produits seront même lancées automatiquement par la plate-forme.

L’ampleur des scandales touchant l’agroalimentaire – scandales montrant les limites des rappels en cascade et faisant figure de sérieux coups de canif dans l’image de qualité de la filière agricole française – est aujourd’hui à même de faire bouger les lignes dans ce secteur aussi, pour se rapprocher d’un modèle centralisant les données de traçabilité. En particulier si la réglementation évolue pour se montrer plus contraignante avec la filière.

 

Du produit jusqu’au champ

Le modèle centralisé peut évidemment s’adapter facilement à l’alimentation pour la partie aval. L’amont, qui permettrait de remonter, depuis un produit, à la parcelle de culture ou à l’animal d’élevage, demeure plus complexe à mettre en œuvre. Ce volet présente pourtant également un réel intérêt. Car, dans l’alimentation, la traçabilité ne se limite pas à des enjeux réglementaires ou de sécurité, mais s’étend également à des éléments environnementaux. Avec la multiplication des capteurs, la connexion des tracteurs et autres machines agricoles, la diffusion des techniques de géolocalisation, on pourrait récupérer toute une série de données très précises relatives aux exploitations agricoles, et ainsi nourrir un rapport extrêmement fin sur les conditions de production du produit, comme le dosage intra-parcellaire des intrants (engrais, produits phytosanitaires).

En permettant aux consommateurs de remonter d’un produit au champ ou à la vache, on fournirait une traçabilité globale. Avec deux bénéfices à la clef. D’abord, ces données auraient une valeur informative pour le consommateur. Ainsi, à partir d’une pièce de boucherie achetée en supermarché, il saurait, par exemple, remonter jusqu’à l’éleveur et en connaitre ses pratiques ou toute autre information que ce dernier souhaiterait mettre en avant. Inversement ces informations pourraient être exploitées par les acteurs de la distribution à des fins marketing. Pour illustration, une application de ‘Drive’ pourrait s’appuyer à la fois sur un profil déclaré de consommation (« Je suis très attaché à ce que le produit provienne de cette région ») et sur le principe d’un identifiant unique par produit (et non plus le code barre générique EAN 13 que l’on scanne en caisse) pour déterminer les produits qui matchent le mieux .

 

Une démo au Salon de l’agriculture

C’est cette nouvelle frontière de la traçabilité, qui implique l’utilisation du numéro de lot et non d’un code EAN renvoyant simplement à une unité de fabrication, que SAP et GS1 mettront en évidence sur le Salon de l’agriculture, qui a ouvert ses portes le 24 février à Paris. A partir d’un code positionné sur le produit, nous proposons aux visiteurs de remonter au magasin, à la plate-forme logistique, aux différentes étapes de fabrication et jusqu’à l’éleveur. Encore relativement contraignant – du fait de l’obligation de saisir les numéros de lot -, ce système pourrait demain se fluidifier avec l’introduction de codes 2D, positionnés sur l’emballage afin de faciliter l’accès à l’information. Et une app mobile pourrait alors venir conseiller des produits adaptés aux profils des clients, établis à partir de ces données de traçabilité. »

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