La désindustrialisation de la France, une fatalité ? Avec l’Industrie 4.0, les usines voient leur fonctionnement évoluer, pour donner plus de responsabilités aux opérateurs de production ou de maintenance. De quoi redorer le blason de métiers mal considérés.
Au cours des 25 dernières années, l’industrie manufacturière française a perdu 1,4 million d’emplois. En 2016, elle ne pesait plus que 10,2% du PIB, une baisse de 20% en 15 ans et, surtout, un niveau inférieur de 4 points à la moyenne de l’UE. Même si la chute semble ralentir ces dernières années, ces chiffres témoignent de la désindustrialisation rapide de notre pays. Un phénomène qui a touché de plein fouet nos territoires, et a aussi gagné les esprits. En effet, malgré ce recul historique de l’emploi industriel, les entreprises du secteur peinent aujourd’hui à recruter, les jeunes générations se détournant de ces métiers.
Cette spirale négative est-elle une fatalité ? Nous ne le pensons pas. Avec l’arrivée des technologies comme le Big Data, la connectivité, l’analyse prédictive, l’IoT ou la robotique collaborative, l’industrie française dispose d’une chance historique de revaloriser ses métiers. Car, dans cette transformation technologique en profondeur qu’on appelle Industrie 4.0, les systèmes intelligents et la robotique ne viennent plus s’opposer à l’humain, comme cela a pu être le cas dans les années 80 et 90, mais bien l’épauler. Ils deviennent les meilleurs amis des opérateurs de production et de maintenance, en leur conférant plus d’autonomie, plus de polyvalence et davantage de responsabilités. Des évolutions qui répondent précisément aux attentes des jeunes générations, en quête de sens dans leurs activités professionnelles.
Vers une relocalisation de certaines productions en France ?
Cette autonomie retrouvée, cette responsabilisation croissante sont consubstantielles aux logiques de l’Industrie 4.0, notamment la personnalisation des produits aux attentes de chaque consommateur. D’où le développement d’ateliers ou de micro-usines dédiés, à l’intérieur même des sites de production, animés par des opérateurs responsabilisés sur le montage des différents produits et sur la maintenance de leur outil industriel. Et ce, grâce aux outils numériques ! Au passage, la logique de personnalisation des produits rompt avec la massification à outrance caractérisant la mondialisation des activités industrielles. Et laisse augurer la relocalisation de certaines productions dans des pays comme la France.
Evidemment, ce virage demandera du temps et nécessitera un accompagnement des équipes en place. Mais il est généralement attendu par les opérateurs, qui manifestent un réel appétit pour l’Industrie 4.0, même si elle est porteuse de nouvelles attentes en matière de flexibilité et même si elle se traduit par une complexification de la production.
L’humain au cœur des plans Industrie 4.0
De leur côté, nombreuses sont les directions générales de groupes industriels convaincues de l’intérêt de cette transformation. Même si les PMI et ETI ne savent pas toujours comment aborder ce chantier. On peut espérer que les 15 centres d’accélération régionaux, récemment annoncés par le gouvernement et regroupant à la fois une vitrine technologique, de la formation et des dispositifs d’accompagnement, aideront le tissu des PMI françaises à accélérer sur ce sujet et viendront encore amplifier le mouvement initié par les industriels de la French Fab sous l’impulsion de BPI France
Nombreux sont aussi les exemples montrant que les industriels ont bien compris le lien entre Industrie 4.0 et revalorisation de leurs métiers. Lors de l’Usine Extraordinaire, l’événement qui se tiendra du 22 au 25 novembre au Grand Palais, à Paris, Sanofi a choisi, par exemple, de confier son Univers Fabriquer à des collaborateurs venus directement des usines de de production. Ce sont eux qui expliqueront la mutation de leurs métiers au public. Chez A.Raymond, un fabriquant de systèmes de fixation, c’est bien l’homme qui a été placé au cœur du programme Industrie 4.0. Idem chez SEW-Usocome, concepteur de solutions d’entraînement et d’automatisme, où le plan Performance Ambiance est centré sur le bien-être dans l’usine.
Ne plus laisser les opérateurs seuls devant leur machine
Au-delà de la personnalisation de la production, l’Industrie 4.0 apporte avec elle la transformation des produits en plateformes de services. Une entreprise qui conçoit par exemple des presses pour l’industrie automobile vendra demain un nombre d’utilisations de ses machines. Un fabriquant de pompes commercialisera des mètres cubes de fluide transportés, etc. A l’industriel d’assurer le bon fonctionnement de son équipement, grâce aux données générées par ce dernier. Ces modèles économiques innovants, s’appuyant sur la valorisation de donnée, sont observés de près par un grand nombre d’industriels avec lesquels travaille SAP.
Pour prendre pied dans ces nouveaux modèles économiques, ces entreprises ont donc besoin de se muer en ‘software company’. De rejoindre des plateformes numériques, sans voir leur position concurrentielle remise en cause. Et de connecter leurs usines à un écosystème de partenaires, devenus essentiels dans la collecte des données et la délivrance de certains services. Les ateliers doivent donc s’ouvrir, ne plus laisser les opérateurs seuls devant leur machine.
Bien sûr, ces évolutions impliquent de muscler les équipes en place avec l’embauche de quelques profils nouveaux. Des Data Scientists en particulier. Mais cette dimension ne doit pas masquer l’acculturation essentielle des opérationnels en place aux technologies et outils de manipulation de données. Chaque technicien, chaque opérateur doit aujourd’hui absorber la part de Data Science nécessaire à son quotidien.