Début février, Philippe Geoffroy, Head of Industry 4.0, SAP Fr, a participé à une table ronde organisée par la French Fab, portant sur le rôle des intégrateurs dans l’accompagnement de la transformation numérique des PMI. Et souligné l’importance des écosystèmes technologiques, comme celui que SAP agrège autour de lui.
L’industrie française a renoué avec un certain dynamisme. L’Usine Nouvelle recense ainsi pas moins de soixante créations d’usines en France en 2018. Cependant, pour inscrire cette tendance dans la durée, l’industrie française, et notamment les PMI, doit se doter des moyens nécessaires pour passer à l’ère de l’Industrie 4.0. Le 7 février 2019, la French Fab a consacré un atelier de travail à cette question, en se penchant sur le rôle des intégrateurs dans l’accompagnement des PMI vers l’Industrie du Futur.
Aider à concrétiser les projets
« À condition de bien s’y prendre, la transformation numérique, ça marche », souligne Daniel Richet, Président du Cetim (Centre technique des industries mécaniques) en introduction de cette demi-journée d’échanges. Pour ce dernier, l’un des enjeux essentiels pour que les PMI réussissent dans cette voie réside dans la compréhension mutuelle entre les fournisseurs de solutions et les dirigeants. Un avis partagé par Philippe Geoffroy : « Trouver un langage commun, permettant de s’adresser à la Direction générale comme au responsable de maintenance, c’est notre rôle en tant que fournisseur. Notre responsabilité est d’aider nos clients PMI à construire leur business case autour de l’Industrie du futur. » Pour lui, les offreurs de solutions comme SAP ont notamment un rôle d’intermédiaire : ils doivent aider les différentes parties prenantes à se comprendre pour avancer vers la concrétisation du projet, sans s’arrêter à la pose d’un diagnostic. En pratique, il s’agit bien d’accélérer la convergence entre deux mondes, les technologies opérationnelles (OT) et informatiques (IT), afin de bâtir des solutions intégrées. L’objectif : valoriser les données collectées par les capteurs (niveau OT) dans les processus d’entreprises, principalement orchestrés par les ERP.
La mise en place d’outils numériques et robotiques est indissociable de l’Industrie 4.0. Pourtant, « pour le dirigeant de PME, l’acquisition d’une solution ne représente pas plus de 20% de la question, souligne Daniel Richet. Les 80% restants sont répartis entre l’accompagnement au changement, l’adaptation des compétences, le travail sur l’organisation et la stratégie de l’entreprise ».
Rassurer les PMI
Pour ces entreprises de taille moyenne, qui forment une grande partie du tissu industriel français, investir dans une technologie représente une incertitude majeure : la prise de risque est en effet potentiellement bien plus lourde de conséquences que pour un grand groupe. Lors d’une précédente table ronde, Jean-Noël Mathieu, Directeur général adjoint de Buyer, un fabricant d’ustensiles destinés aux métiers de bouche, a ainsi affirmé : « une PMI ne veut pas avoir à essuyer les plâtres ».
Comment composer avec cette préoccupation on ne peut plus légitime, tout en assurant la rentabilité nécessaire pour que les fournisseurs s’engagent dans ce type de projet ? « Les PMI veulent être bien accompagnées, elles ne veulent pas avoir à supporter seules tout le risque, estime Philippe Geoffroy. Le rapprochement avec les grands groupes est à ce titre essentiel. Chez SAP, nous travaillons par exemple avec plusieurs PME pour des grands clients communs, en mode partenariat, souvent même en co-innovation. Dans ce cas, nous innovons conjointement sur le volet transformation du business model, avec l’expérimentation de nouveaux services numériques qui viennent augmenter la valeur ajoutée du pur produit physique »
Le numérique, un atout pour attirer de nouveaux talents
Le passage à un environnement de travail numérique est indissociable de la question des compétences. Sur ce point, les PMI françaises sont confrontées à un enjeu majeur : elles doivent attirer les jeunes diplômés, un défi pour des entreprises généralement peu connues du grand public. « La transition vers l’Industrie 4.0 soulève des enjeux importants, comme l’amélioration de la performance opérationnelle ou la transformation du modèle d’affaires. Néanmoins, la question des talents est véritablement centrale. Les PMI ont besoin d’attirer les jeunes actifs. Si toutes ces entreprises avaient la même image que Tesla, cet enjeu n’en serait plus un », constate Philippe Geoffroy.
Pour lui, les PMI disposent d’un levier intéressant pour séduire les jeunes diplômés : en se tournant vers l’Industrie 4.0, ces entreprises deviennent des acteurs du logiciel. Cette métamorphose passe notamment par une exploitation renforcée de la donnée. Les PMI font ainsi évoluer leurs métiers, en s’ouvrant à des domaines attractifs et innovants, comme la réalité augmentée, la Data Science ou encore l’Intelligence Artificielle. Au cours des ateliers, Rodolphe Roy, PDG de ATS Ingénierie, l’une des PMI engagées dans une démarche de co-innovation avec SAP France, a témoigné qu’une telle transformation était possible pour une PMI, sous certaines conditions. Selon lui, il faut être en mesure de proposer à ses collaborateurs, actuels comme futurs, une stratégie et une vision claire. Mais avant tout, il faut expliquer le « Pourquoi ». C’est capital si l’on veut embarquer toute l’entreprise derrière son projet de transformation, surtout les jeunes générations, profondément désireuses de donner du sens à leur contribution dans la société.
Se concentrer sur la véritable innovation
Une autre difficulté évoquée par les PMI présentes réside dans l’établissement d’une feuille de route pour aller vers l’Industrie du Futur. L’ensemble des flux sont concernés par la transition numérique, depuis la production jusqu’à la maintenance, en passant par la supply chain et la gestion. Souvent, ces entreprises ne savent pas par où commencer. « L’essentiel est d’avoir une cible, une vision stratégique, conseille Philippe Geoffroy. L’entreprise doit créer sa feuille de route, tout en sachant que celle-ci peut évoluer au cours du temps. »
Certaines PMI ont pris du retard dans le déploiement des outils numériques. Pour les aider à regagner ce temps perdu, Philippe Geoffroy leur suggère d’adopter des solutions packagées chaque fois que possible : « Les PME doivent comprendre qu’elles ne sont pas différentes des autres entreprises sur l’ensemble de leurs processus. En optant pour une logique de packaging, elles peuvent bénéficier des meilleures pratiques sectorielles, tout en concentrant leurs efforts sur la véritable innovation. ».
Le Collectif Continuité Numérique, une alliance regroupant des spécialistes reconnus des mondes OT et IT, comme ifm, Phoenix Contact, Festo, Sew-Usocome, Sick, Gfi et SAP, a été créé précisément pour répondre à ce besoin. Sa vocation est de proposer des solutions interopérables et de bout en bout, allant du capteur au pilotage intelligent des processus d’entreprise. « Unique en France, ce collectif est parfaitement aligné avec les besoins exprimés lors de cette journée », estime Philippe Geoffroy. Une vision en phase avec la conclusion de Nicolas Dufourq, DG de BPI France, qui souhaite voir grandir rapidement un nouvel écosystème de partenaires, capables d’intégrer les données issues des capteurs avec les processus métiers des PMI et ETI françaises, à moindre coût et en réduisant le risque.